Ce
débat était animé par Michel Lefebvre, journaliste au Monde,
et a eu lieu en présence d'Antoine Prost, professeur
émérite Paris I Panthéon-Sorbonne (en remplacement de Vincent
Peillon, minstre de l'Éducation Nationale),
Nicolas Offenstadt, professeur
d'histoire à Paris I Panthéon-Sorbonne,
et
Emmanuel Laurentin, producteur et animateur de La
Fabrique de l'Histoire sur
France Culture. Il revenait sur les nombreuses polémiques qu ont
lieu ces 30 dernières années sur les programmes scolaires
d'histoire.
Antoine
Prost affirme qu'il n'est pas évident d'enseigner l'Histoire. En
effet, le temps pédagogique est trop court pour la masse de
connaissances en présence. Il faut également avoir de bonnes
raisons pour l'enseigner. La société et les citoyens doivent être
former par l'histoire. La place de l'histoire contemporaine est donc
importante. Pas nécessairement pour Nicolas Offenstadt car il existe
des sociétés humaines sans histoire. Un autre problème se pose
alors : l'histoire, pour former quel citoyen ? Cette question soulève
le fait que la réponse ne peut être qu'idéologique. Il faut
accepter ce constat. Au XIXe
siècle, la science servait la nation donc la science est
idéologique. Pour Nicolas Offenstadt, ce n'est pas grave car nous
sommes nés dans cette ambiguité. Emmanuel Laurentin se demande
alors pourquoi la question de l’idéologie est une idée récurrente
qui revient dans le débat public et qu'il serait important d'y
réfléchir.
L'historien Marc Bloch trouvait que les
programmes scolaires étaient trop institutionnels et que l'ouverture
sur le monde avec l'apprentissage d'autres civilisations était
nécessaire. Cela souleva évidemment de nombreuses critiques.
Antoine Prost y voit deux problèmes. Le premier concerne les choix
idéologiques. Que doit connaître un citoyen ? Le deuxième problème
est d'orde pédagogique. En effet, dans ce domaine les compétences
sont difficiles à évaluer quand le savoir demandé n'est pas
clairement défini et quand les professeurs ne maitrises pas un
sujet. C'est pour cela que Nicolas Offenstadt pense que le programme
d'histoire doit être construit par des professionnels. Le programme
présente des enjeux historiographiques et doit répondre à des
questions sociales. On se sert des programmes d'histoire comme d'une
formation identitaire, or l'Histoire n'est pas l'Identité.
Aujourd'hui il y a une incompréhension du
public sur l'évolution de l'histoire. De nombreuses personnes
déplorent que l'Histoire enseignée ne laisse plus de place à une
histoire figée dans le temps qui permettrait aux élèves de se
repérer. Pour Emmanuel Laurentin, l'Histoire fixe n'est pas
mauvaise. Nicolas Offenstadt rétorque alors qu'il faut résister à
cela : les repères historiques ne sont pas fixes. Des critiques
récurrentes clament que l'enseignement actuel baisserai le niveau
des élèves, et que cela est notamment due à l'abandon de
l'apprentissage de la chronologie. Antoine Prost rappelle que les
savoirs historiques sont toujours troués et donc qu'il est difficile
d'enseigner seulement une chronologie. Pour lui, il ne faut pas
bouger les programmes tout le temps, qu'il faut laisser le temps à
la routine de s'installer pour les réviser ensuite. Emmanuel
Laurentin propose de faire une enquête sur la façon d'enseigner. Au
lieu de seulement critiquer les programmes, on aurait une meilleure
vision de ce que l'on enseigne réellement. Le niveau ne baisse pas
forcément, il ne fait que se déplacer. La démocratisation des
savoirs et le développement de nouveaux domaines pose une question
: que enseigner ?
On critique les manuels scolaires car
l'histoire de France est diluée dans l'histoire mondialiste. Pour
Antoine Prost, cela est dû à la réputation de gauche qu'à
l'Éducation Nationale. On critique les programmes car il sont trop
raffinés et trop divers. Mais à quoi sert alors une histoire
simpliste ? Nicolas Offenstadt pense que l'histoire est retournée à
son but identitaire archaïque, où l'histoire doit être rassurante
et nostalgique. Quant à Emmanuel Laurentin, il déplore que
l'histoire ne se raconte plus, qu'il faut peut être un retour du
merveilleux. « Faux » répond Nicolas Offenstadt, les professeurs
racontent les récits. Antoine Prost conclue finalement que les
universitaires sont des hommes passionnés et positionnés
idéologiquement. Plutôt que de débattre de la place (inévitable)
de l'idéologie dans les programmes d'histoire, il faut se demander
que enseigner et comment le faire.
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